Un prénom sur une liste de rendez-vous du jour.
Je ne te connais pas, avant d’ouvrir la porte du bureau je t’imagine
D’ou viens tu ? Pourquoi ce rendez-vous ? quel âge as-tu ?
Hortense n’est pas un prénom courant en France,
peut-être encore porté par de très vielles dames
Adressée par les services de la préfecture, de l’immigration
Ton passeport ta carte A.M.E., aide médicale de l’état
Ils savent que dans ce bureau tu seras accueillie
Tu tousses beaucoup, dépistage de tuberculose oblige
avant un retour dès que possible dans ton pays d’origine.
Ta peau est noire, ta coiffure tressée avec art cache une calvitie
Tu es mince, un chemisier jaune, une jupe droite, des mocassins vieillis, noirs, cirés
Tu te dissimules derrière ton regard
Tu me guettes, l’habitude de l’humiliation de la souffrance
Pas de révolte, plus
Auscultation, radiographie, examen,
ta respiration repose sur quelques alvéoles sauvées par miracle de la destruction
Tu me souffles quelques questions
L’urgence est au soin
La confiance s’installe
Tu repars avec un traitement
Tu veux faire ce qu’il faut pour aller mieux
Nous allons nous revoir.
Toujours discrète, à l’écoute, vêtue avec le respect de toi même
malgré la souffrance, malgré un souffle court
pas de remboursement, pas de médicaments hors AMM
Un jour une esquisse de sourire, tu avais un travail dans la restauration
La semaine d’après voile d’inquiétude, il fallait remplir ce fameux document,
celui de la préfecture signé par médecin qui justifie que ton autorisation de séjour soit prolongée pour cause de soins si ceux ci sont impossible dans ton pays
Je savais alors que tu étais originaire du Congo
Le lendemain, tu n’as plus de larmes pour me dire le refus administratif
Le retour malgré tes efforts au statut d’OQTF, acronyme odieux
Tu me dis, ce soir je dors dehors, cela m’arrive souvent
mais je trouve toujours quelqu’un qui héberge ma fille
J’apprends que tu es venue en France avec ta fille âgée de 6 ans
Je saurais plus tard que tu as laissé au pays 5 autres enfants, des garçons ? et ton mari
La salle d’attente est pleine, peu importe,
Ce soir tu ne dormiras pas dehors
Activer les contacts d’associations d’accueil
Quelques questions, méfiance malgré tout,
quel entourage ? que faire ? attention …
enfin une adresse à laquelle tu vas te rendre ….
Ton parcours jalonné de maisons d’accueil, d’appels d’assistantes sociales,
empathiques, inquiètes, scandalisées d’un humanisme en berne.
Je sais que tu vas mieux, que tu as pris un peu de poids
que rien ne pourras réparer ce qui est détruit
que tu es une femme forte
que tu n’es pas dupe
Tu me parles de l’accident de ta fille, renversée par un scooter,
elle va peut-être perdre un œil
Fière un peu plus tard tu viendras en consultation, de retour sur la ville
de notre rencontre, avec elle, une nouvelle épreuve franchie avec succès.
D’autres soignants te fermeront la porte car tu as un peu de retard,
d’autres exigeront la monnaie de la consultation
« on ne sait jamais…tu comprends le déficit de la sécu… »
Non je ne comprends pas !!
Jamais tu ne te plaindras, jamais tu ne répondras
Mon cabinet est maintenant fermé
J’aimerais tant avoir de tes nouvelles
L’hypocrisie d’un accueil de papier,
la peur de l’autre, qui est juste un vivant qui souffre,
un autre nous-même,
des valeurs qui restent une incompréhensible réalité.
Mais il y a toi Hortense
une très belle personne qui nous parle du monde
de ses horreurs, de ses trésors.
24/07/2023
Autotranslation into English:
HORTENSE
A first name on a list of today's appointments.
I don't know you, before opening the office door I imagine you
Where do you come from ? Why this meeting? how old are you ?
Hortense is not a common first name in France,
perhaps still worn by very old ladies
Addressed by the prefecture and immigration services
Your passport your A.M.E. card, state medical aid
They know that in this office you will be welcomed
You cough a lot, tuberculosis screening requires
before returning as soon as possible to your country of origin.
Your skin is black, your artfully braided hairstyle hides baldness
You are thin, a yellow blouse, a straight skirt, aged, black, waxed moccasins
You hide behind your gaze
You lie in wait for me, the habit of the humiliation of suffering
No more revolt
Auscultation, x-ray, examination,
your breathing rests on a few alveoli miraculously saved from destruction
You ask me some questions
The emergency is to care
Trust is established
You leave with treatment
You want to do what it takes to get better
We will meet again.
Always discreet, attentive, dressed with respect for yourself
despite the suffering, despite shortness of breath
no reimbursement, no off-label medications
One day a hint of a smile, you had a job in catering
The following week, veil of worry, it was necessary to complete this famous document,
that of the prefecture signed by a doctor which justifies that your residence authorization is extended due to treatment if this is impossible in your country
I knew then that you were from Congo
The next day, you no longer have tears to tell me about the administrative refusal
The return despite your efforts to OQTF status, an odious acronym
You tell me, tonight I'm sleeping outside, this happens to me often
but I always find someone who takes my daughter in
I learned that you came to France with your 6 year old daughter
I will find out later that you left 5 other children behind, boys? and your husband
The waiting room is full, whatever,
Tonight you won't sleep outside
Activate host association contacts
A few questions, distrust despite everything,
what entourage? what to do ? attention …
finally an address to which you are going to go….
Your journey punctuated by reception centers, calls from social workers,
empathetic, worried, scandalized by a humanism at half mast.
I know you're feeling better, that you've gained a little weight
that nothing can repair what is destroyed
that you are a strong woman
that you are not fooled
You tell me about your daughter's accident, run over by a scooter,
she might lose an eye
Proud a little later you will come for consultation, back in the city
of our meeting, with her, a new test successfully overcome.
Other caregivers will close the door to you because you are a little late,
others will demand the currency of the consultation
“you never know…you understand the social security deficit…”
No, I do not understand !!
You will never complain, you will never respond
My office is now closed
I would love to hear from you
The hypocrisy of a paper welcome,
the fear of the other, who is just a living person who suffers,
another ourselves,
values which remain an incomprehensible reality.
But there is you Hortense
a very beautiful person who tells us about the world
of its horrors, of its treasures.
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